jeudi 29 avril 2010

Quatre jours dans la réserve, comme retourner un quart de siècle en-arrière. Rien n'a changé. Les visages croisée au galeries montagnaises, le sable qui s'insère dans les souliers après une courte marche, les enfants sans tuque sur la tête malgré le vent, des filles qui traînent leur poussette d'une maison à l'autre, l'homme assis devant sa maison beige une cigarette à la main comme en attente de quelque chose. Partout où je pose les yeux, la honte. La mienne. Je me suis accoutumée à la vue du fleuve et des lumières de Lévis, assise sur mon balcon, à Québec. Les maisons anciennes qui agrémentent l'avenue Royale, les pelouses tondus beaucoup trop vertes pour être naturelles. J'avais oublié qu'il n'y a pas que les bus qui font du bruit tard la nuit et que tout le monde ne va pas au restaurant le lundi soir, par habitude.

Être si près de son peuple et se sentir si loin de leurs vies.

Il y a des choses que l'on raconte par coeur, comme le son du taueikan en plein jour de grande célébration. Des rumeurs que l'on raconte à son amie, comme la blonde du gars qui le trompe avec n'importe qui. Des choses incroyables que l'on dit à son frère, comme le petit garçonnet qui traverse le boulevard en courant et que l'on observe du rétroviseur en priant pour qu'il coure plus vite. Il y a des choses que l'on chuchote en secret à sa mère, comme le gars trop soûl qui n'a pas cesser de faire des avances à une fille trop jeune pour se défendre. Mais, il y a des choses qui ne se répètent pas, ni en voiture, ni le soir, ni le jour, des choses trop sales, inexprimables, même par des phrases incomplètes.

De mon quatre et demi à Québec, j'ai rêvé sans savoir. J'ai espéré. Que sais-je? Que suis-je? La compassion n'est pas le propre de l'homme. S'humilier jusqu'à fréquenter la misère non plus.

J'ai hâte aux premières chaleurs de mai. La saison du saumon qui nous guidera jusqu'à la rivière. Je veux sentir l'odeur du feu jusqu'à tard dans la nuit, et celui des branches de sapin sous les tentes. Je veux goûter au poisson frais pêché et voir dans le labeur des hommes la grandeur d'un peuple, de mon peuple.

mercredi 21 avril 2010

Colère?

Elle pose la question, celle qui est posée quelques fois par des gens courageux. Elle dit: Pourquoi tu n'es pas en colère? Contre les blancs, le gouvernement, la société, après tout ce qu'ils vous ont fait subir? Non. Elle dit: que nous vous avons fait subir?

Autrefois, j'aurais sans doute détesté les blancs. Leur culture et leur langue me seraient apparues comme un outrage. Autrefois, si l'on aurait clôturée mon village et si l'on m'aurait mise dans un pensionnat dans le but ultime et avoué de me faire devenir blanche, je n'aurais pas compris et sans doute j'aurais détesté. Mon grand-père, l'un des seuls Innus qui a toujours refuser d'envoyer ses enfants au pensionnat, n'aimait pas les blancs. Je suis capable de le comprendre.

Je crois en l'égalité plus qu'en la supériorité. La dignité des gens plus qu'à l'assimilation.

Pour moi, les choses sont différentes. Je crois que ma culture a ses forces, le respect des vieux et de la nature, la proximité des gens qui crée la communauté, l'entraide, la débrouillardise pas seulement en forêt, le sens de l'humour; et ses faiblesses, le rapport avec l'argent plutôt difficile, les familles brisées par l'alcoolisme et l'inceste, le manque d'autonomie, le manque de scolarité.

Que peut-on apprendre des autres peuples?

J'ai répondu à la question en nommant la seule chose qui me met vraiment en colère: les insultes que peuvent prononcer des blancs ignorants face aux Innus parce qu'ils ne sont ni taxables, ni imposables.

samedi 10 avril 2010

Kuei- bonjour

Je cherche une place. Entre la ville et la réserve. La solitude et la communauté. L'ambition et l'essentiel. Les rêves de grandes filles et les devoirs de mères. Je pense à l'espace que peut occuper une mentalité de village dans une si grande ville. Et l'espace qu'occupe ma langue dans ma tête.
Il y a longtemps que je ne pense plus en Innu, que je ne vis plus réservée, que mes amis sont Latinos et Québécois de laine. Pourtant, il ne suffit que d'une blague entendue au hasard des rues St-Jean ou St-Vallier, pour redécouvrir mon appartenance. Une blague d'indien, non-payeur de taxes. Ou bien encore, une envolée d'outardes brune pour me rappeler que la chasse sera bonne, que l'immigration n'est pas qu'une question de frontières et de cartes blanches. Je suis Innue par naissance. Par coeur. Par choix. Je ne porte pas de plumes ni de robes à franges. Je ne suis pas chaude à l'idée de faire un portage en automne. Ce qui résiste, ce qui vit, c'est l'hériatge de mon grand-père, de ma grand-mère, de ceux qui ont porté la culture au bout des doigts en brodant des mocassins à nos enfants. Et c'est moi, et ma langue maternelle aussi souple que le chant du tambour et l'Histoire qui est la nôtre.

Que sait-on des autres, si ce n'est leurs différences? Que voit-on des autres? Doit-on combattre l'ignorance?