mercredi 1 septembre 2010

Ma culture et les autres

Une question intéressante que l'on m'a posée dans un cours d'université en début de session: Qu'est-ce que la culture? Je vous partage ma réponse.

"Se reconnaître cultivée ressemble étrangement à une flatterie, une caresse que l’on fait à son cerveau. Petite, je lisais tous les livres de poche pour adolescentes que je trouvais à la bibliothèque de mon école. Je lisais pour le plaisir et encore aujourd’hui, je me souviens très exactement les mots d’amour d’Ovila à Émilie dans Les Filles de Caleb, alors que je ne pourrais jamais vous résumer la fin du livre Le Père Goriot, faute de l’avoir lu dans sa totalité. Bien sûr, on m’a imposé de la culture générale, la raison idyllique pour laquelle le cégep existe. Heureusement, j’ai appris à aimer l’art dans son ensemble, pour ce qu’il est, un moyen de communiquer. Cependant, je réalise que le fait de reconnaître une toile de Picasso, de Monet ou de Caravage ne me rend pas plus cultivée que ce jeune adolescent que j’ai rencontré dans mon premier stage et qui me parlait des romans de Patrick Sénécal. Je hochais la tête, mais je savais qu’il savait que je ne savais rien sur cet auteur ni sur ses œuvres.

La culture est quelque chose que l’on construit soi-même. Ma culture, celle que je connais par cœur, ressemble à mes goûts, à mes couleurs, à mes plumes et à mes mots. Sans doute, en me menaçant d’un échec, un professeur arriverait à me faire avaler Maupassant et sans doute, je ne retiendrai que l’essentiel, c’est qu’il m’a déplu. Je sais également qu’il faut parfois persister dans une lecture plutôt lourde pour finalement se laisser séduire par la douloureuse histoire d’amour d’une Thérèse Raquin. Ou bien se laisser expliquer un Carré noir sur fond blanc, pour apprécier le geste politique dans la démarche d’un peintre.

La culture peut être encouragée. Le rôle de l’enseignant de français est celui de présenter des œuvres, des auteurs, des époques et des styles. Dans un monde idéal, avant de tenter de faire avaler une poésie du passé à un jeune, on chercherait à savoir quel genre l’attire. Puis, on s’attarderait avec lui sur les auteurs qu’il serait susceptible d’apprécier. Quelques mois plus tard, il nous épaterait avec la dizaine d’Agatha Christie qu’il aurait dévorés et avec en prime une moyenne à la hausse. C’est une théorie. Cependant, je crois qu’il faut tenter de voir les jeunes du secondaire comme autre chose que des vases creux à remplir. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils ont des goûts et des saveurs. Je ne dis pas qu’il ne faut pas imposer des livres, je dis qu’il faut s’intéresser à ce qu’ils aiment et ne pas mettre un auteur dans leurs lectures obligatoires simplement parce qu’il est mort tragiquement il y a cent ans.

Vous en connaissez, j’en suis persuadée, des gens qui exposent leurs connaissances comme s’ils vous débitaient une fable de La Fontaine, sans passion et sans risque. Ils savent, parce qu’ils l’ont appris, que la poésie de Nelligan est le début du symbolisme au Québec et qu’il est mort seul, supposément aliéné, le 18 novembre 1941. Ces gens-là ne vous diront jamais ce qui les a émut dans Le Vaisseau d’or, mais plutôt, ils vous citeront un critique littéraire renommé. C’est un peu le contraire de quelqu’un que je considère cultivé. Si une personne est capable de me citer en ordre chronologique tous les groupes de métal qu’il connaît et qu’ensuite il est capable de jouer quelques morceaux sur sa guitare électrique, alors je saurais que cette personne possède de la culture, la sienne. Le pire, c’est de ne s’intéresser à rien réellement, mais de simplement s’accrocher à ce qui est sensé être intéressant d’après les autres.

D’ailleurs, la culture est une montagne. C’est vrai. Pensez à tous ces auteurs, ces peintres, ces sculpteurs, ces compositeur, ces réalisateurs, ces artisans, ces photographes et encore, il ne s’agit que des acteurs du domaine des arts. Il y a encore les domaines de la science, des mathématiques, de la psychologie, de la philosophie et des dompteurs de chevaux, pourquoi pas? J’y renonce. C’est immense, presque étouffant, mais merveilleux tout à la fois. Merveilleux parce qu’il démontre l’expertise et l’émotion grandiose de l’être humain. La culture, c’est tout ça et c’est la mienne aussi.

Je viens d’un peuple ancien, nomade et chasseur. Ce que mes grands-parents m’ont légué, c’est la beauté dans les choses simples. Une fleur brodée sur un mocassin en cuir. Un tambour qui résonne bien au-delà des choses terrestres. Un amour et un respect, pour ce qui ne dure qu’un temps et pour ce qui façonne l’avenir. C’est ce qui guide ma culture. C’est ce que j’aime. L’émotion abstraite dans une toile pleine d’oies blanches de Riopel jusqu’à la simplicité des mots dans une chanson de Florant Vollant.

La passion vient de la personne qui la ressent. Tenter de transmettre sa propre passion est une chose noble, plus accessible dans l’enseignement. L’enseignant est en mesure de faire apprécier les arts s’il est en mesure de les voir tels qu’ils sont, des œuvres empreints d’humanité et de réalisme, empreints de soi et des autres."

Deux pages, 1.5 interligne, times new roman et une excellente question pour une future prof.

1 commentaire:

  1. en manière d'échange...
    http://www.fgriot.net/notes/dotclear/index.php?post/2008/12/15/204-vieux-savoirs-bruts-et-meditation

    salutation

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