mardi 29 mars 2011

De l'intérieur

Il arrive quelquefois, venus d'ailleurs, des visiteurs fantasques qui au lieu de ballades sur les merveilleuses plages de la Côte, décident d'entrer de plein gré dans une réserve. Ils restent quelques heures, font de courtes rencontres, observent et notent intérieurement les différences. Mais ce qui n'arrive pratiquement jamais, c'est qu'ils choisissent de rester, de s'attacher, de partager. Pratiquement, parce qu'il y a elle, madame la psychologue.

Elle parle Innu, simple dans ses manières, elle vit à Maliotenam, épouse de Putu, d'où le surnom Putushkueu, mère d'enfants métis. Elle est psychologue, travaille depuis de nombreuses années au dispensaire de Uashat. Elle a tout vu, tout entendu. Lorsque l'hiver devient doux, elle part rejoindre la rivière, monter sa tente. Il y a longtemps qu'on ne l'appelle plus Kakussesheshkueu (la femme blanche).

Je vous parle d'elle car elle m'a écrit hier. Simplement pour me dire son appréciation de mon livre Kuessipan. Ça ma touché, comme ça me touche toujours de voir quelqu'un a lu et a aimé par l'entremise de quelques pages, les visages de mon peuple. Cependant, que ça viennent ainsi de l'intérieur. D'une femme qui sait. D'une femme qui partage par choix la culture innue et tout ce que cela implique. C'est à mon tour de dire merci.

"Il fait toujours noir quand le train revient" Rien que cela et j'ai compris que tu avais tout cerné , tout ressenti. J'ai bien connu celui-là qui a acquis la connaissance de tout un peuple" ainsi que celle que le bonheur " avait finalement coincée". J'ai lu et relu avec le coeur la première fois, et mon âge de raison la deuxième fois. Un grand cadeau que tu nous offre et je veux t'en remercier. J'en suis encore toute émue. J'en parle à ceux qui m'entourent et je refuse de leur prêter, je veux qu'ils aillent se l'acheter!
Je salue ton talent d'écrivain . Un style très personnel et éclatant.

Tu as raison, personne ne" veut lire des mots comme drogue,inceste,..."
Un grand merci donc pour avoir su décrire " le ciel d'un doux mauve qui crie au loup"
Danielle Descent ( Putushskueu comme ils disent)...

mardi 15 mars 2011

Kuessipan- À nous

Très enthousiaste de la publication papier de mon tout premier livre, je me suis promenée aujourd'hui de librairie en librairie pour me faire dire qu'il ne sera disponible que demain (tout de même disponible sur publie.net ;). Je ne l'ai toujours pas touché de mes mains, cet inclassable bouquin: poésie ou nouvelle? Je ne sais pas. Je me suis jamais posé la question en l'écrivant. Me disant tout bonnement que votre fil de l'entendement saurait mieux le classer que ma propre émotion littéraire.

Il s'appelle Kuessipan. C'est-à-dire: à toi. Le parfait reflet de l'intransigeance du message. On ne discute pas avec la réalité. On la décrit. On l'écrit. Parce qu'on la vit. Kuessipan, veut aussi dire: à mon tour, à notre tour,de prendre partie, de se réaliser, d'être. Kuessipan pour les chasseurs: la parfaite réponse de l'autre qui au bout de la radio satellite lance Kuessipan quand il finit de parler.(over ou dix-trente, d'après les régions). Seulement pour entendre la réponse. Seulement, pour continuer les paroles.

Mais Kuessipan, surtout une envie de dialogue, de se comprendre mieux, de laisser derrière tous les vieux préjugés. Nous sommes un peuple qui partage les mêmes ambitions de richesses, de beauté et d’ardeur. Nous sommes là. Et vous êtes là. Le monde n'a de limite que la raideur de nos persuations.

Kuessipan. C'est à vous.

dimanche 6 mars 2011

Nuta, mon père

Ma grand-mère m'écrit sur facebook. De courts messages bourrés de fautes et d'amour. Aujourd'hui, elle m'écrit pour me dire que c'est l'anniversaire de mon père. Il paraît qu'il aurait eu 46 ans. Elle me dit qu'il lui manque un peu à chaque jour et que ses pensées en cette journée triste volent une par une vers le ciel. Je n'ai rien dans mes souvenirs qui pourrait me rappeler cet homme à la peau foncée, à la beauté racée. Rien qui pourrait s'envoler haut, très haut vers le ciel. Mis à part ceci.

C'est une photo que je garde avec toutes les autres. Une image de lui en habit d'hiver couleur kaki. Il porte sur son dos une carabine. Sur sa tête, une casquette qui rappelle l'uniforme de l'armée. N'a jamais été soldat, ni tireur d'élite. Juste chasseur, dans les meilleurs moments de sa vie. Un genou plié et à sa main, un lynx. Le sang qui tache la neige lui donne victoire. Des épinettes entourent la mémorable prise de l'homme. Il semble mal à l'aise, fixe la caméra. Des yeux bruns, les lèvres pincés, le nez droit, de minuscules tâches de rousseurs sur ses joues. Il est beau. Une vingtaine d'années, pas plus.

C'est une photo surnaturelle. La mort ne ressemble à rien, sinon à une image vide de souvenirs. Il n'est mort que pour ceux qui l'ont connu. Pour les autres, il est soit un chasseur, soit un nouveau marié. Ces quelques clichés que je garde avec toutes les autres.

Iame Nuta.