mercredi 25 juin 2014

Le filet


Au crépuscule, des pick-up passent lentement sur la petite route de sable qui mène à l'embouchure de la rivière. Ils sont deux par voiture. Ils arrêtent un peu avant la pointe. L'un porte une brique, l'autre un bac gris. Une heure avant la marée haute, ils installent au large un filet de cent pieds. Sur la rive de cette immense rivière, ils attendront jusqu'à l'aube, que le saumon manifeste sa présence par des battements de queue agitées. 

On est assis sur un énorme tronc d'arbre sec. Lui est arrivé depuis quelques heures. Moi je trimbale une caisse de bières. C'est le fait d'être tout près de lui qui me charme, puis le calme, les petites vagues qui roulent à quelques mètres de nos pieds, la nuit noire, sa façon de regarder l'horizon et ses réponses à mes questions sur la légalité des filets. Depuis le début de la saison, il me dit que tous les soirs il est venu à cet endroit. Que les matins il était en canot plus haut sur la rivière, pêchant à la canne. Pour deux saumons. Il me dit que c'est plutôt difficile cet été. L'an passé, en une soirée, il en avait pêché cinq. Je l'ai rarement vu aussi détendu. Je sens qu'il est heureux. Il prend ma main. M'embrasse sur le cou. Je ferme les yeux. Je sens tout à coup que des mots stupides veulent sortir de ma bouche. On est assis, à ne rien faire qu'attendre. Je lui en veux un peu de ne pas m'avoir amenée ici plus tôt. 

Je repars comme je suis venue, seule. Il restera encore une heure ou deux, surveillera son filet. Il ira dormir dans son chalet. Et demain, il recommencera. La saison du saumon tire à sa fin.




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